Prager Rodolphe dit Rudi ou Duret A.

Né le 31 mars 1918 à Berlin (Allemagne), membre des Faucons rouges en Allemagne, puis des Jeunesses socialistes en France et de la direction des organisations trotskystes à partir de 1936.

Émigré en France avec sa famille, en décembre 1929, en raison de la crise économique que connaissait l’Allemagne, Rodolphe Prager travailla, dès l’âge de treize ans, dans l’atelier de fourrure de son père. Celui-ci avait la nationalité hongroise. Sa mère, originaire de la Prusse orientale, qui militait au SPD l’avait inscrit aux Faucons rouges lorsqu’il avait onze ans.

Il participa, au cours de l’été 1929, à une République des enfants près de Cologne.

À Paris, il accompagna sa mère aux grandes manifestations ouvrières et adhéra, en 1931, au groupe des Jeunesses socialistes du centre (Ier et IVe arr.), ce qui posa problème à cause de son âge.

En décembre 1931, il rejoignit les Campeurs rouges qui venaient de se constituer et y fit la connaissance de Roger Foirier, qui exerça une grande influence sur son évolution politique ultérieure.

Ce groupe fut bientôt chargé d’assurer la préparation d’un camp international, une République des enfants, comprenant une délégation importante des Faucons rouges allemands, qui se tint en juillet 1932 à Draveil (Seine-et-Oise). L’impression produite par cette délégation aboutit à la création d’un mouvement similaire en France qui se mit en place fin 1932-début 1933.

Délaissant les Jeunesses socialistes, Prager se consacra à la mise en place de ce mouvement et assista aux rassemblements annuels qui se tinrent à Ostende en 1933, à Saint-Claude (Jura) l’année suivante, à Verneuil-l’Étang (Seine-et-Marne) en 1935.

Ayant repris, cette année-là, son activité dans la IVe section des Jeunesses socialistes, Rodolphe Prager sympathisa avec les thèses développées par les trotskystes et adhéra au groupe bolchevik-léniniste de la SFIO. Il suivit la direction de la Fédération de la Seine des JS dont les principaux dirigeants furent exclus au congrès national de Lille, fin juillet 1935, et fut membre du Comité central des Jeunesses socialistes révolutionnaires (JSR) lorsqu’elles se créèrent en janvier 1936. Au cours des grèves de 1936, les Pionniers rouges, branche aînée des Amis de l’enfance ouvrière (AEO) se rendirent dans les usines occupées : Renault, Citroën, Hachette et les grands magasins pour y interpréter leur répertoire de choeurs parlés et de chants révolutionnaires. L’été 1936, Prager conduisit une délégation de Pionniers dans un camp à Brighton (Grande-Bretagne).

La SFIO ayant décidé de mettre fin à l’influence trotskyste dans les AEO, Foirier et Prager quittèrent, à l’issue du congrès national du 11 novembre 1936, le mouvement avec l’assentiment de la majorité des Pionniers. Ils fondèrent le jour même la Fédération autonome des pionniers rouges (FPR) qui ne connut qu’un faible succès et fut dissoute un an plus tard. En désaccord avec les JSR sur le devenir des FPR après le congrès de janvier 1937, et mis en minorité, Prager quitta les JSR, dirigée par Fred Zeller (voir ce nom dans le Maitron), et adhéra au Parti communiste internationaliste (PCI) de Pierre Frank et Raymond Molinier (voir ces noms dans le Maitron). Il fut élu au Comité central du PCI en septembre 1937, participa à la fondation de la JCI et collabora à son organe, le Jeune bolchevik.

La Fédération de la Seine du Parti socialiste ayant été suspendue, Prager adhéra en mai 1938, sur mandat du PCI, à la 20e section du Parti socialiste SFIO pour suivre de l’intérieur cette crise susceptible de déboucher sur la création d’un nouveau parti. Il assista à Royan, en juin, en marge du congrès de la SFIO qui confirma l’exclusion des pivertistes, à la fondation du Parti socialiste ouvrier et paysan et en juillet, à la conférence constitutive des JSOP Ses rapports influèrent sur la décision prise par les JCI en octobre de se dissoudre et de rejoindre collectivement la JSOP. Il avait notamment pris contact avec Jacques Grinblat (Privas) et Pierre Boussel (Lambert) qui animaient un petit groupe d’anciens membres des JC de Montreuil qui étaient virtuellement trotskystes.

Naturalisé Français en janvier 1938, Prager partit au service militaire en novembre. Au printemps 1939, l’ex-PCI, qui s’était dissous à son tour en décembre 1938 pour adhérer au PSOP et était devenu la tendance « La Vérité », décida le choix d’une délégation à l’étranger en prévision de la guerre, autour de Frank et de Molinier. Désigné comme délégué jeune, il se rendit en Belgique, en juillet 1939. Il signa sous le nom de Jung, aux côtés de Vereeken (Cive), de Molinier (Remember) et de Mauricio (Morris) deux appels relatifs au Pacte germano-soviétique et à la déclaration de la guerre qui parurent en août et en septembre dans la Correspondance internationaliste. Bien qu’ils fussent interdits par le gouvernement belge, vingt numéros parurent jusqu’en avril 1940. Prager fut l’un de ses rédacteurs jusqu’à son arrestation à Bruxelles le 19 décembre 1939, sur dénonciation, à la place de Molinier qui devait se rendre à ce rendez-vous. Libéré le 12 mai 1940 de la prison de Mons où il avait été transféré après sa condamnation à un an de prison pour fausse identité, il parvint à joindre Bruxelles, à la suite des bombardements allemands. Démuni de pièces d’identité, il y fut arrêté le jour même et ne quitta la prison du Forest qu’après la reddition de la capitale belge, le 18 mai.

Revenu par la route à Paris, en juillet, Prager prit l’initiative de regrouper les militants dispersés et de tenir une première réunion clandestine, le 15 juillet, dans le parc de Saint-Cloud. Il fit partie avec Foirier et Grinblat du triangle de direction du groupe « La seule voie » qui prit ensuite le nom de Comité communiste internationaliste. Il participa en 1943 aux négociations avec Craipeau, Hic et Raptis (Pablo) en vue de la fusion avec le Parti ouvrier internationaliste et de l’admission du CCI au secrétariat européen de la IVe Internationale au sein duquel il siégea à partir de septembre 1943. Il fut l’un des délégués du CCI à la conférence européenne clandestine qui se tint dans l’Oise en février 1944 et consacra l’unification des forces trotskystes. Il devint membre du Bureau politique du nouveau Parti communiste internationaliste.

S’occupant après la Libération de l’édition de la Vérité et de la revue Quatrième Internationale qui, sous la pression du PCF, n’avaient pas reçu l’autorisation de paraître, Prager fut arrêté le 15 mai 1945 et détenu pendant deux mois à la Santé. Sous le coup d’une condamnation par défaut par le tribunal militaire, en décembre 1939, à trois ans de prison et d’un double retrait de la nationalité française (en 1941 puis en janvier 1951), Prager poursuivit une existence illégale qui le conduisit à s’installer en Israël de mars 1950 à décembre 1952. Il y vécut dans un kibboutz proche de la frontière libanaise et épousa alors Louisette Bonnet dont il avait eu une fille. Depuis 1946, il avait été responsable de la commission coloniale du PCI et, à ce titre, avait rencontré en 1947 Messali Hadj (voir ce nom dans le Maitron) en Algérie et avait, d’autre part, collaboré étroitement avec le groupe des trotskystes vietnamiens résidant en France.

Ayant fait appel du jugement du tribunal militaire, il obtint en 1953 une sentence de relaxe et bénéficia en 1955 de l’annulation de la déchéance de la nationalité par le Conseil d’État. De nouveau membre du Bureau politique du PCI de 1953 à 1959, Rodolphe Prager prit surtout en charge l’aide au FLN algérien. Ses articles sur la guerre d’Algérie signés Robert Leblond, publiés dans la Vérité des travailleurs, entraînèrent des poursuites judiciaires sans que leur auteur fût identifié. Il fit partie, par ailleurs, du Parti socialiste autonome puis du Parti socialiste unifié depuis leur création. Il séjourna en Tunisie de 1959 à 1963 et y exerça la fonction de conseiller technique à la Direction du tourisme. Il y entretint en même temps des relations avec certains ministres du GPRA algérien qu’il avait connus. À son retour, il fut encore membre du Bureau politique du PCI jusqu’en 1969 et fut élu membre de la commission de contrôle de la IVe Internationale. Il cumula ces fonctions avec celles de membre du Comité politique national du PSU, de 1966 à 1969, et du Bureau national du Comité Vietnam national.

Rodolphe Prager assista en avril 1969 au congrès de fondation de la Ligue communiste qui se tint clandestinement à Mannheim (Allemagne fédérale). Il n’y fut pas reconduit dans ses responsabilités. Il fut exclu du PSU fin juin 1969 avec Jean-René Chauvin, ayant qualifié de réformiste la candidature de Michel Rocard aux élections présidentielles et appelé à voter en faveur d’Alain Krivine. Il se consacra surtout, par la suite, aux recherches concernant l’action des trotskystes pendant la Seconde Guerre mondiale et l’histoire de la IVe Internationale. Il publia, en particulier, quatre tomes des Congrès de la Quatrième Internationale, allant de 1930 à 1952.

OEUVRE : Les congrès de la Quatrième Internationale, t. 1, Naissance de la IVe Internationale (1930-1940) ; t. 2, L’Internationale dans la guerre (1940-1946) ; Bouleversements et crises de l’après-guerre (1946-1950) ; t. 4, Menace de la troisième guerre mondiale et tournant politique (1950-1952), Paris, La Brèche, 1978,

SOURCES DU MAITRON : Arch. PPo., carton 45. — Témoignage autobiographique.

J.-M. Brabant

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