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Les origines : naissance du mouvement français

Les relations franco-allemandes

La municipalité de Draveil, près de Paris, accueille en Août 1932, la première République d’enfants des Faucons Rouges. Elle est organisée par le Mouvement allemand et conduite par Kurt Lowenstein [1] ; elle a pour but d’apprendre aux français la pédagogie spécifique de ces Républiques. L’expérience allemande et autrichienne n’est alors pas inconnue en France. Quelques socialistes français, que des liens étroits liaient à la social-démocratie allemande, avaient eu l’occasion de les découvrir.

C’est le cas du Maire de Villefranche-sur-Saône, Maître Chouffet [2] ; à la tête d’une petite délégation, il se rend à Vienne durant l’été 1930 pour visiter les réalisations socialistes de la ville ; à cette occasion, les membres de la délégation française devaient découvrir une République des Faucons-Rouges où les principes de l’auto-organisation, comme la liberté de ton qui régnait, devaient les séduire au point qu’ils ne furent pas trop choqués par un naturisme bon enfant qui conduisit le "Président" en personne à les recevoir tout à fait nu.

La délégation française, enthousiaste, résolut de faire connaître et d’encourager de telles expériences en France. C’est ce que fit Louise Perret, institutrice, Directrice d’une école de filles à Villefranche-sur-Saône ; pédagogue fervente, elle s’occupait plus particulièrement d’enfants déshérités ; c’est ainsi qu’elle recueillit une enfant abandonnée, Jeanne Bouillard, qu’elle plaça à Paris chez ses amis Germaine Fauchère et George Monnet. Les liens qui unissaient Louise Perret et ses amis parisiens laissent à penser qu’elle propagea son enthousiasme et ses informations sur les Mouvements allemand et autrichien des Faucons Rouges.

Ces Républiques d’enfants étaient également connues de Monsieur et Madame Walgenwitz ; Monsieur Walgenwitz, d’origine alsacienne est également professeur d’allemand ; à ce titre, il devait parcourir l’Allemagne et rencontrer les Faucons Rouges à Mayence en 1929, puis à Vienne, où il retrouvait, par hasard, à l’occasion d’un congrès international d’enseignants, la délégation française conduite par Chouffet. [3]

De retour en France, le couple s’installe à Pamiers, dans l’Ariège et milite dans le fief Cathare pour la cause du socialisme. Il rêve de fonder là des garderies laiques, à l’image de celles qu’il avait dirigées à Arbois [4] dans le cadre du Mouvement Coopératif. Les Walgenwitz font part de leurs idées aux militants de la région du sud-ouest, et c’est le Surveillant général du Lycée de Toulouse, originaire de Paris, informé par les Monnet de l’expérience autrichienne et allemande des Faucons Rouges, qui propose de les aider à créer, dans la région, un Mouvement français de l’enfance ouvrière. Ils s’y emploient, en butte à l’hostilité d’un clergé militant, et organisent chaque année, à partir de 1934, un camp d’été au col de Marousse près d’Andorre dans un local prêté par les coopérateurs où ils appliquent quelques principes de pédagogie active. Leur petit groupe participe également à la République Internationale de Capbreton en 1936.

Comme enseignant, Walgenwitz est nommé à Villefranche en 1937, le couple prend alors contact avec Louise Perret et un petit groupe d’enseignants ; le mouvement prend corps dans la réglon lyonnaise : Vienne, Villeurbanne, Lyon, Oullins.

Wally et Salomon Grumbach vont également jouer un rôle très important dans la diffusion des idées pédagogiques des Faucons Rouges allemands et dans la réalisation de la République d’enfants de Draveil en France. Wally Grumbach était d’origine allemande
et son mari, Salomon Grumbach [5], d’origine alsacienne ; tous d’eux s’occupaient spécialement des réfugiés politiques allemands. Or, Kurt Lowenstein est un ami personnel de Wally Grumbach dont la participation à la République de Draveil est confirmée dans un compte-rendu publié dans l’’’Aide’’ de février 1934 :

"les groupes allemands avaient tenu à laisser à Wally Grumbach, un matériel assez important, celui de la République de Draveil, pour être remis à l’organisation française".

C’est également Wally Grumbach qui va trouver Germaine Fauchère, future femme de Georges Monnet, alors Secrétaire du Groupe parlementaire socialiste, pour lui demander d’aller avec elle, visiter la République d’enfants et l’inciter à coordonner tous les efforts et les initiatives municipales et individuelles pour créer en France le Mouvement de l’Enfance Ouvrière. Dès lors, c’est un réseau d’amitié, d’initiatives diverses, épaulées par la puissante Fédération des Municipalités socialistes [6] qui conduiront à la création des Faucons Rouges français.

Le chef d’orchestre restait Kurt Lowenstein, alors Secrétaire de l’Internationale de l’Education Socialiste et fondateur du Mouvement allemand.

Dès lors que le jeu des initiatives est en partie éclairci, comment comprendre le choix de la municipalité de Draveil comme premier champ d’expérience ?

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[1voir biographie ci-après p. 26 à 30.

[2Député-Maire socialiste de Villefranche S/Saône jusqu’à la deuxième guerre mondiale et de nouveau Maire de 1947 à 1958, date de sa mort ; homme curieux, cultivé et polyglotte, son pacifisme le conduisit à abandonner en 1940, certains idéaux socialistes.

[3Témoignage de Mme Walgenwitz, novembre 1980.

[4Ville natale de Mme Walgenwitz,.

[5Salomon Grumbach est député socialiste de 1928 à 1932 et de 1945 à 1948 ; journaliste, spécialisé dans les Affaires étrangères, il est en fait le seul spécialiste de la question allemande à la S.F.I.O. ; il connaissait tous les leaders de la Social-démocratie comme délégué de la France à l’Internationale Ouvrière Socialiste et, à ce titre, participe à toutes les conférences internationales. Il collabore dès son origine, à la Commission d’immigration créée par quelques personnalités socialistes et la Ligue des Droits de l’Homme. cf. Marcel Livian, "Le Parti Socialiste et l’immigration", ed. Anthropos.

[6La Fédération des élus municipaux et cantonaux est fondée en 1920, une partie de sa Direction devait collaborer avec le Gouvernement de Vichy.