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Le rôle de l’Internationale de l’Éducation socialiste [1]

L’Internationale Ouvrière Socialiste est fondée en mai 1923, après le Congrès de Hambourg qui devait réunir les deux Internationales non bolcheviques [2] . Il est probable qu’à l’occasion de ces rencontres, de ces débats, les expériences autrichienne et allemande des Amis de l’Enfance Ouvrière aient été évoquées, soit par les "indépendants" allemands comme Kurt Lowenstein, soit par les socialistes autrichiens qui constituaient l’aile révolutionnaire de la nouvelle Internationale.

Comment expliquer que ce soit justement la même année, en 1923, qu’à l’initiative de Kurt Lowenstein, les représentant des organisations des Amis de l’Enfance Ouvrière se soient rencontrées au château de Kietheim près de Salzbourg ? Une Conférence qui devait rassembler non seulement les délégués allemands et autrichiens, mais aussi anglais, hollandais, italiens, suisses, tchécoslovaques.

La Conférence se donne pour but d’unifier tous les efforts d’éducation socialiste et affirme donc la nécessité d’une organisation internationale spécifique. Elle accueille Paul Lobe, Président du Reichstag, le hollandais Piet Voogd et l’autrichien Karl Heinz, tous deux représentant l’Internationale de la Jeunesse Ouvrière. Les participants conclurent à la nécessité d’établir des organisations d’éducation de la classe ouvrière distinctes des organisations de jeunesse traditionnelles ; le Congrès qui fondait l’Internationale de l’Education Socialiste eut lieu le 5 et 6 janvier 1924 à Hanovre.

La Création de l’Internationale de l’Education Socialiste confirme bien le rôle primordial joué par les pays où le Parti Social-démocrate est le plus fort et le plus ancien, principalement l’Allemagne et l’Autriche mais aussi la Tchécoslovaquie ; leurs trois organisations :

  • Frei Schule Kinderfreunde [3] autrichienne
  • Reichsarbeitsgemeinschft der Kinderfreunde Deutschland [4] allemande,
  • Arbeiterverein der Kinderfreunde [5] tchécoslovaque

constituent à elles seules l’Internationale de l’Education Socialiste comme en témoigne la composition du Comité exécutif deux délégués allemand et autrichien, un délégué tchèque [6] , tandis que la Présidence revenait à Max Winter et la Vice-Présidence à Kurt Lowenstein.

Très rapidement, d’autres organisations viendront agrandir le cercle de famille, celles de :

  • Pologne en 1925,
  • Danemark en 1927,
  • Lettonie en 1927,
  • Hongrie en 1928,
  • Roumanie en 1929,
  • Suisse en 1930,
  • Finlande en 1931.

L’Internationale de l’Education Socialiste entre également en contact avec les organisations socialistes de Belgique, Angleterre, Estonie, Yougoslavie, Suède, Hollande, France, Palestine, Argentine, États-Unis, pour organiser le Congrès commun de l’Internationale de l’Éducation Socialiste, de l’Internationale de la Jeunesse socialiste et de l’Internationale Socialiste du Sport Ouvrier, en Août 1928 à Bruxelles à l’occasion du Congrès de l’Internationale Ouvrière Socialiste.

L’originalité et la spécificité des Mouvements d’enfants, distincts des "jeunesses", étaient définitivement reconnues par l’Internationale Ouvrière Socialiste.

Lors de sa séance du 12 octobre 1929, le Comité exécutif de l’Internationale de l’Éducation Socialiste établit les modalités de sa collaboration avec l’Internationale de la Jeunesse socialiste, notamment sur la façon de mettre en place une structure souple pour permettre aux jeunes de 14 à 16 ans de passer des organisations d’enfants aux organisations de jeunes.

Au cours d’une autre séance, en avril 1937, la S.E.I. et l’I.S.J. [7] adoptaient la résolution suivante : "L’I.S.J. et la S.E.I. recommandent à leurs associations de réunir les jeunes gens de 14 à 16 ans dans des cercles de travail. L’I.S.J. et la S.E.I. établissent une Commission pédagogique commune destinée à unifier les pratiques (choix des chansons, règle des jeux ... )" [8]

La Commission débattait également des conditions relatives aux échanges de jeunes, en particulier de leur participation aux Républiques internationales d’enfants.

L’avènement du régime hitlérien devait bouleverser l’organisation de l’Internationale Socialiste : c’est l’interdiction des Amis de l’Enfance d’Allemagne en 1933, d’Autriche en 1934, puis l’exil des principaux animateurs. Tandis que Kurt Lowenstein, établi à Draveil, en devient Président, les organisations des Amis de l’Enfance des pays de l’Est (Pologne, Lettonie, Hongrie) furent coordonnées par le "Bureau de l’Union Ouvrière, amis de l’Enfance" à Bodenbach [9] en Tchécoslovaquie. Après la mort de Kurt Lowenstein, c’est Jean Nihon, Directeur de l’École Ouvrière Supérieure d’Uccle (près de Bruxelles) qui assuma la Direction de l’Internationale de l’Éducation Socialiste avec Willi Hocke comme Secrétaire quand celui-ci s’est réfugié en Belgique après l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1939 .

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[1La période 1924-25 est assez difficile à reconstituer, beaucoup d’archives ont disparu lorsque les responsables allemands et autrichiens ont fui l’Allemagne national-socialiste.

[2J. Droz, Coll. U "Le socialisme démocratique 1864-1960" Paris 1966 "quelques groupes de socialistes, des longuettistes français, des indépendant allemands, des socialistes autrichiens, refusaient l’alternative de la IIe ou IIIe Internationale et constituaient une "Communauté internationale de travail", baptisée ironiquement II 1/2 " p.181.

[3Ecole libre des Amis de l’Enfance

[4Cercle de travail des Amis de l’Enfance du Reich

[5Amis de l’Enfance Ouvrière

[6Constituée en 1906, comme branche distincte de la Social-démocratie autrichienne, les élections municipales de Juin 1919, marquèrent un succès des sociaux-démocrates tchèques (46 % des voix) (Histoire Générale du Socialisme, publiée sous la direction de J. Droz, P.U.F. T.3. p. 263, Paris 1977).

[7Internationale de l’Éducation Socialiste, Internationale de la Jeunesse socialiste.

[8"70 ans d’existence de l’Internationale Socialiste de la Jeunesse" Heinrich Eppe, Wolfgang Uellenberg, brochure éditée par la Jeunesse socialiste allemande, Bonn 1977.

[9La grande majorité des membres du Comité directeur du SPD devait également se réfugier en Tchécoslovaquie, à Prague