Foirier Roger Henri dit Linck ou Roland

Né le 9 août 1910 à Suresnes (Hauts-de-Seine), mort le 19 janvier 1989, professeur de dessin, marié, père d’une fille, veuf et remarié ; fondateur et dirigeant des Faucons rouges ; membre du Comité central du Parti communiste internationaliste en 1936, du Bureau national des Jeunesses socialistes ouvrières paysannes et secrétaire de la Fédération de Paris en 1939 ; membre de la direction de l’organisation clandestine des Comités communistes internationalistes sous l’Occupation ; membre de la Commission de contrôle de la IVe Internationale de 1948 à 1963.

Roger Foirier naquit dans une famille ouvrière athée et militante. Son père, sculpteur-ébéniste formé dans les ateliers du Faubourg Saint-Antoine, fut sensible à la tradition anarcho-syndicaliste. Sa mère, modiste de formation, s’orienta plus tard vers le chant professionnel sous le pseudonyme de Gina Foriani. Fille d’un ouvrier serrurier, socialiste et coopérateur, elle milita elle-même dans le Parti SFIO ainsi que dans le Secours rouge qu’elle abandonna lors de sa mutation en Secours populaire français. En 1938, elle quitta le Parti socialiste pour militer dans le Parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert.

Quittant l’école après le Certificat d’études primaires, R. Foirier voulut se préparer à l’exercice d’un métier d’art. Il travailla chez un peintre décorateur à Clichy, à l’atelier de lithographie dans une imprimerie, puis devint garçon de bureau, vendeur forain et, après une infructueuse tentative vers le théâtre et le cinéma, il entra comme monteur-mécanicien aux usines Unic à Puteaux en 1928-1929. Il n’avait pas cessé de peindre et de dessiner, prenant des leçons dans des cours du soir. Il prépara finalement le concours d’admission à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs où il fut admis en 1929. La même année, il rejoignit les Jeunesses socialistes de Puteaux. À l’École des arts-déco, R. Foirier fit la connaissance de Fred Zeller (voir ce nom dans le Maitron) qui l’orienta vers les Étudiants socialistes en 1931.

Enfant, R. Foirier fut attiré par la pratique du camping et de la randonnée des éclaireurs protestants de Suresnes, où il avait des camarades d’école. Après son adhésion aux Jeunesses socialistes, il participa à la fondation, fin 1931 des Campeurs rouges, ayant rompu auparavant avec les Routiers unionistes. À l’initiative de Wally Grumbach des Femmes socialistes, se créa le comité fondateur des Amis de l’enfance ouvrière ( Faucons rouges ). Le projet immédiat était d’organiser en France, à Draveil (Seine-et-Oise) pour l’été 1932, une République internationale des enfants avec la venue de plusieurs centaines de Faucons rouges allemands amenés par le député socialiste du Reichstag Kurt Löwenstein. Les Campeurs rouges furent la cheville ouvrière de l’entreprise et les premiers cadres des Faucons rouges français qui connurent une ample croissance dans les années suivantes. R. Foirier consacra l’essentiel de son activité à ce mouvement jusqu’en 1936. Membre du Bureau central, responsable de la région parisienne, il fut délégué à l’Internationale de l’éducation socialiste. Il fut l’un des principaux animateurs des « Républiques d’enfants » d’Oostduinkerke (Belgique) en 1933 et Verneuil-l’Étang (Seine-et-Marne) en 1934.

Ce fut en 1933 que R. Foirier, à la lecture de La Vérité, organe de la Ligue communiste, trouva des réponses à ses interrogations politiques soulevées par l’écrasement tragique du mouvement ouvrier allemand. En compagnie de Max Schaechtele, jeune travailleur allemand émigré, il se rendit en octobre au local de la Ligue communiste qui défendait les idées de Léon Trotsky, pour y débattre des problèmes qui le préoccupaient. À partir de cette date, il se considéra comme un communiste internationaliste, un « trotskiste ». À l’École des Arts décoratifs, il participa en liaison avec Y. Craipeau (voir ce nom dans le Maitron) à la constitution d’une cellule de la Jeunesse léniniste. Il poursuivit une activité épisodique aux Jeunesses socialistes, intervenant en 1934 au congrès de la Seine à Puteaux pour y défendre un projet de programme d’action élaboré, en collaboration avec David Rousset (voir ce nom dans le Maitron) secrétaire des Étudiants socialistes, trotskiste également. Il représenta, ensuite, sa Fédération au congrès national des JS de Nîmes en 1934 où il défendit à nouveau son projet. Arrivé en fin de sursis, R. Foirier accomplit son service militaire d’avril 1934 à avril 1935. Il sollicita, à sa libération, un poste de professeur dans les écoles de Suresnes, ne désirant pas quitter la région parisienne en raison de ses activités politiques. Il enseigna, particulièrement, à l’ École de plein air de Suresnes, établissement pilote, de 1935 à 1958. Il fut affilié au syndicat des communaux CGT à partir de 1935.

Sur le plan politique, lors de la scission intervenue dans les rangs trotskistes en décembre 1935, R. Foirier se rangea dans la tendance animée par R. Molinier et P. Frank (voir ces noms dans le Maitron) et participa au lancement du journal La Commune et à la fondation en mars 1936, du Parti communiste internationaliste dont il fut membre du Comité central en octobre. Il fut élu, par ailleurs, au Comité central de la Jeunesse socialiste révolutionnaire qui se forma en janvier 1935. Il n’y demeura pas longtemps, oeuvrant dans les années qui suivirent, à la création de la Jeunesse communiste internationaliste. L’exclusion des trotskistes des Jeunesses socialistes, intervenue en 1935 eut, ultérieurement, un prolongement dans le mouvement des Amis de l’enfance ouvrière parrainé par le Parti socialiste. À la conférence nationale du 11 novembre 1936, s’affrontèrent les conceptions réformistes et révolutionnaires en matière d’éducation. Par le biais d’un remaniement des statuts se trouvèrent désormais écartés du mouvement, les éducateurs qui n’appartiendraient pas au Parti SFIO. La minorité révolutionnaire, animée par R. Foirier, Pierre Bossut et Rodolphe Prager, quitta la conférence et fonda le jour même la Fédération des Pionniers rouges rassemblant les jeunes de plus de quatorze ans.

Pendant les grandes grèves de mai-juin 1936, R. Foirier joua un rôle actif dans la banlieue ouest, assurant la liaison et la coordination entre les principales usines métallurgiques où les militants trotskistes remplissaient des fonctions responsables dans les comités de grève. Le 3 décembre 1936, le Parti communiste internationaliste organisa une action de protestation contre les procès de Moscou devant l’ambassade soviétique. Neuf militants, dont R. Foirier, réussirent à pénétrer dans l’immeuble. Délogés par la police qui les appréhenda, ils quittèrent l’ambassade aux cris : « Vive Trotsky ! Libérez Mouralov et Piatakov ! »

À la fin de 1938, R. Foirier rejoignit, avec ses camarades de la Jeunesse communiste internationaliste, les Jeunesses socialistes ouvrières et paysannes qui s’étaient constituées récemment. Il y fut désigné membre du Bureau national et secrétaire de la Fédération de Paris, responsable du secteur armée. Marceau Pivert, considérant d’un œil défavorable l’évolution politique en cours de son organisation de Jeunesse, fit exclure le 3 juin 1939 le bureau parisien, dont R. Foirier. Pressentant l’imminence de la guerre, les derniers mois furent consacrés à la préparation d’un dispositif clandestin.

Mobilisé le 29 août 1939 au 105e RI de Reims, R. Foirier participa aux combats de Sierk en septembre et de Châlons-sur-Marne en juin 1940. Le 16 février 1940 sa compagne, Mireille Collorec fut arrêtée avec une quinzaine de militants trotskistes ou sympathisants. Une condamnation à deux ans de prison la frappa le 8 mai, mais elle fut libérée à la faveur de la débâcle en juillet 1940.

Démobilisé, R. Foirier s’employa, dès le mois d’août, à reconstituer l’organisation clandestine trotskiste du PCI avec Henri Molinier, Jacques Grinblat et Rodolphe Prager. Cette équipe assura la direction de l’organisation pendant toute la durée de l’occupation allemande. Sur mandat de son organisation, R. Foirier prit des responsabilités à la direction du Centre laïque des Auberges de la Jeunesse qui reprit ses activités en avril 1942, en accord avec les autorités. Le Parti communiste, dans sa campagne antitrotskiste de 1946, tira argument de cette activité pour tenter de le disqualifier. Commissions d’enquête syndicale et tribunal le lavèrent de tout soupçon. Menacé d’arrestation, R. Foirier passa à une entière clandestinité en mars 1944, alors que s’accomplissait l’unification des organisations trotskistes. Il fut membre de la commission militaire et mena plusieurs opérations. Dans les heures d’août 1944, il s’attacha à la reconstitution de la section syndicale des employés communaux de Suresnes dont il devint secrétaire adjoint.

Réélu au Comité central du Parti communiste internationaliste unifié après la guerre, chargé plus particulièrement des questions de la Jeunesse, R. Foirier fut choisi comme membre de la commission de contrôle internationale par le 2e congrès mondial de la IVe Internationale en février 1948. Il s’occupa de l’organisation des brigades de travail, en solidarité avec la Yougoslavie soumise au blocus de l’URSS en 1950. Il s’investit, les années suivantes, dans l’activité locale à Suresnes : membre d’associations de parents d’élèves et du conseil d’administration de la Caisse des écoles, il milita de 1959 à 1963 dans le Parti socialiste unifié. Michel Raptis et Sal Santen, membres du secrétariat international ayant été emprisonnés à Amsterdam pour leur aide effective à la révolution algérienne, il assuma, en 1961, l’animation du Comité de soutien agissant en faveur de leur libération.

Une nouvelle scission s’étant produite en 1963 parmi les trotskistes, entraînant le départ de Michel Raptis, R. Foirier se retira du mouvement sans interrompre ses liens avec ses camarades et s’associant à certaines de leurs actions. Il agira, surtout, dans une série de comités, menant des campagnes ou des actions de solidarité pour des objectifs déterminés :

  • L’association d’amitié et de solidarité franco-algérienne en 1964 dont il fut le trésorier ;
  • Comité pour la défense de Ben Bella et autres victimes de la répression, en 1965 ;
  • Campagne pour sauver Hugo Blanco et constitution du Comité français de solidarité avec les victimes de la répression au Pérou, en 1966, dont il fut également le trésorier ;
  • Comité pour la liberté et contre la répression présidé par Laurent Schwartz, en mai 1968 ;
  • Trésorier du Fonds d’aide internationale à la révolution indochinoise (FAIRI), en 1972 ;
  • Membre et trésorier du collectif national d’Information pour les droits des soldats (IDS), en 1974 ; retenu à ce titre en garde à vue dans l’affaire des Comités de soldats ;
  • Membre, en 1978, du Comité droits et libertés dans l’institution militaire présidé par Henri Noguères.

Adhérent du Syndicat national des enseignements spéciaux (FEN), membre du bureau de la section de l’enseignement du dessin jusqu’en 1975, date de son départ à la retraite, R. Foirier y défendit globalement les opinions de la tendance École émancipée.

SOURCES DU MAITRON : Révolution, juillet 1935. — La Commune, 11 décembre 1936, 26 novembre et 3 décembre 1937. — La Vérité, décembre 1937 et juillet 1939. — S. Ketz : De la naissance du GBL à la crise de la section française de la LCI (1931-1936), Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1974. — Renseignements recueillis par J.-M. Brabant. — Témoignage autobiographique de Roger Foirier de mai 1979. — le Monde , 3 février 1989.

R. Prager

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